La réponse de Stéphane Lucas (Le Champ d’Orphée) à une question existentielle

Dans un article intitulé « jour racine, jour fleur, jour fruit: du pipeau? » Mi-Fugue Mi-Raisin avait  jeté une bouteille (vide) à la mer en demandant à ces lecteurs d’éclairer sa lanterne au sujet d’un problème aussi épineux que mystérieux: comment se fait-il que certains vins vibrants et gorgés de fruit se referment comme une huître le lendemain, pour ensuite ressusciter quelques jours plus tard? Cette question qui nous taraude depuis un certain moment fait partie des mystères – et donc du charme –  du vin naturel.

Voici plus précisément la question posée:  « pourquoi est-ce qu’un vin élaboré selon le calendrier utilisé par les « bio-dynamistes » continue-t-il à être capricieux une fois en bouteille? Après tout une carotte (cultivée en biodynamie) mangée un jour ou un autre reste une carotte ayant le même goût. Pour le vin, nous n’avons pas la réponse…et si un de nos lecteurs pouvait nous éclairer, nous lui en saurions gré! »

La réponse nous est venue d’un ami-vigneron, Stéphane Lucas du Champ d’Orphée (domaine situé à quelques kilomètres d’Albi). Après nous avoir régalés de ses vins lors d’une dégustation, voici sa réponse qui correspond d’ailleurs à l’esprit de ses nectars.

« Peut être parce que le vin est une substance plus subtile, donc plus sensible aux interactions avec son biotope (au sens large). Ce n’est pas un produit brut comme peut l’être la carotte ou le raisin.
Je pense que la fermentation alcoolique est un processus de transformation de la matière, mais aussi de « l’esprit ».
Le vin n’est plus une matière première mais une substance raffinée, « civilisée ». C’est à mon sens la raison pour laquelle il est sensible aux interactions avec les différents paramètres de notre monde et de notre univers. Inutile d’essayer de l’expliquer sans changer notre grille de lecture du monde; on n’est pas ici dans une appréciation quantitative mais qualitative.
Pour ma part je n’éprouve pas le besoin de l’expliquer, le comprendre me suffit. »

Ce point de vue relance le débat que nous avons eu avec des clients et/ou amis. Ce qui se passe dans une bouteille peut-il s’expliquer « scientifiquement »? Comme Stéphane Lucas, nous pensons que la science (la chimie et  la biologie pour ne citer que deux disciplines employées par les œnologues) ne peut expliquer qu’une partie de l’histoire. Nous sommes une nation héritière des idées de  Descartes et d’Auguste Comte (pour ne citer que deux figures connues) et croyons encore que la science est capable de « saturer » notre quotidien de ses explications. Tout ce qui n’est pas scientifiquement explicable ou démontrable est pour le moins suspicieux. Inutile de mettre du mystère ou de la religion là où la science trébuche: pour les tenants du scientisme, la science trouvera tôt ou tard une explication…

Loin de vouloir introduire du mystère dans le vin, nous rejoignons Stéphane Lucas: un grand vin peut être considéré comme une œuvre d’art,  au même titre qu’un tableau ou une œuvre musicale…à condition bien sûr d’accepter que l’émotion procurée par nos papilles gustatives soit aussi noble que celle provoquée par les yeux ou les oreilles. Dès lors, la chimie peut certes analyser les pigments d’un tableau (et ceux du raisin) mais reste impuissante à nous dire quoi que ce soit sur l’émotion communiquée par une œuvre ou un verre de vin.

Bref, si l’on admet que le vin n’est pas uniquement matière mais qu’il est aussi esprit, la science ne peut pas tout expliquer dans un vin.

…Dieu merci!!!

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