VinoBusiness d’Isabelle Saporta: le livre noir sur Bordeaux…

Avant de prendre la route et de se mettre au vert pour plusieurs semaines, tout lecteur qui se respecte est confronté au choix des bouquins qu’il emportera à la campagne ou en bord de mer, moment aussi délectable que cornélien. Avant d’emporter le dernier Grangé que vous n’avez pas eu le temps de lire ou le dernier Marc Levy qu’on vous a offert (et que vous oublierez forcément dans votre chambre d’hôtel) nous vous proposons le dernier ouvrage d’Isabelle Saporta sur le vin « made in Bordeaux », VinoBusiness, une enquête menée tambour battant par une journaliste qui ne manie pas la langue de bois (même si elle  traite des copeaux de bois). Isabelle Saporta a interviewé plusieurs vignerons  (si tant est qu’on puisse les appeler vignerons), exportateurs, « winemakers » et autres personnalités qui œuvrent dans ce monde surréaliste où l’égo le dispute à la bêtise. Car ici la réalité dépasse la fiction, et si vous vous demandez où les réalisateurs de séries telles que « Dallas » ont été puiser leurs histoires, vous vous direz après avoir lu ce livre qu’au pays de l’or rouge on est au moins aussi impitoyable et cynique qu’au pays de l’or noir.

Vous apprendrez que chez les « Grands » de Bordeaux, toutes les magouilles sont possibles pour arriver à leurs fins. Ainsi, un dénommé Hubert de Boüard, patron d’Angélus à Saint-Emilion, n’a pas hésité à cumuler les postes stratégiques lui permettant de classer son propre domaine en premier cru classé A, récompense suprême lui permettant d’effectuer une belle plus-value sur ses vignes et son vin. La recette? Vous vous parachutez président du Conseil Interprofessionnel des vins de Bordeaux (CIVB), président du conseil régional de l’INAO, président des premiers crus classés de Saint-Emilion et le tour est joué! Ah oui, on a oublié de mentionner que dans le dossier permettant d’être bien noté et d’obtenir le classement il faut inclure des critères avantageant son propre domaine ainsi que celui des copains: figurer dans un long-métrage (James Bond), dépenser des fortunes (7 millions d’euros) dans la rénovation de son chai, posséder un parking et une salle de conférence à l’image du domaine pour pouvoir accueillir le gratin mondial. Bref, quasiment aucun critère concernant la qualité des vignes et du vin. Mais les grands seigneurs de Bordeaux ne s’arrêtent pas à ces enfantillages et ces démonstrations d’ego. S’il faut nuire à son voisin pour pouvoir en profiter par la suite, tous les coups sont permis. Pierre Carle, patron du Château Croque-Michotte à Saint-Emilion l’a appris à ses dépens. En 2006 son domaine a fait l’objet d’un déclassement  qui aurait normalement entraîné un effondrement du prix du foncier et du vin et le rachat de sa propriété à « prix d’ami »… s’il ne s’était défendu bec et ongles contre ses prédateurs et obtenu l’annulation du déclassement.

VinoBusiness fourmille d’autres histoires de ce genre, notamment sur les fameux « winemakers », les pesticides, les copeaux de bois, le vin en Chine, l’hégémonie de Robert Parker… et un chapitre sur le Champagne, histoire de montrer que cette noble région n’est pas en reste. Isabelle Saporta décrit ce monde dans un style fluide et humoristique, tout en évitant les potins de téléréalité. Elle a même réussi à « piéger » certaines personnalités qui lui ont avoué l’inavouable…

Un livre instructif et souvent drôle qui vous éclairera sur la face cachée de Bordeaux…

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