L’ éternel débat sur les vins de Richard Leroy: tout est question de curseur…

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Un article récent (numéro du mois de mai) paru dans la Revue des Vins de France  sur les vins du domaine Richard Leroy ainsi qu’une polémique qui n’arrête pas d’enfler sur un fameux forum de passionnés nous a incités à mettre notre grain de sel… même si nous sommes conscients que nous n’allons pas mettre un terme au débat qui fait rage autour des vins « natures » en général et ceux de de Richard Leroy en particulier.

La critique qui a fait le tour de la planète est celle relatée par Etienne Davodeau et Richard Leroy dans la fameuse bande dessinée « Les Ignorants« . Les lecteurs se souviennent certainement du passage du critique américain  de la revue de Robert Parker  qui grommelait dans son dictaphone. Richard et Etienne ont fini par savoir que le critique trouvait les vins trop oxydés.

Voici une liste non exhaustive de « qualités » des vins de Richard Leroy glanées dans les revues et sur la toile: oxydés, réduits (le contraire d’oxydé), acidité volatile trop importante, trop boisés, trop secs (le journaliste de la RVF se plaignant de l’épique époque des liquoreux…), pétillants, maigres, trop sulfités  (même sur les derniers millésimes!), courts en bouche, arômes tirant sur le végétal, nez et bouche de pétard mouillé…

Nous avouons pour notre part notre perplexité face à de telles épithètes censées décrire un des plus grands vins blancs de France (et soyons chauvins: du monde).

Les lecteurs de ce blog savent dans quel camp nous nous situons. Loin de nous l’idée de prosélytisme car si tout le monde encensait les vins de Richard, ses malheureux 2,7 hectares ne suffiraient pas, déjà que la situation est plus que tendue…  On aurait pu choisir les vins de Fanfan Ganevat, le domaine Overnoy-Houillon, Benoît Courault ou d’autres vignerons talentueux pour servir nos propos, mais curieusement les vins de Richard semblent l’emporter au niveau de la vigueur des débats. Ils nous rappellent dans une certaine mesure le mariage pour tous: ils chauffent la tête (au sens figuré!) et déchaînent les passions.

Alors les vins de Richard sont-ils vraiment trop oxydés, trop réduits, trop boisés…? Même si la dégustation reste une véritable expérience esthétique et donc éminemment subjective, tout dépend in fine  du « bagage personnel » du dégustateur. En d’autres termes on n’apprécie pas de la même façon un vin de Richard Leroy si on a l’habitude de boire des Overnoy, Ganevat, Meyer, ou si l’on l’on apprécie les vins de Coche-Dury, Raveneau ou Ramonet. Ce qui est frappant dans ce débat autour du « goût personnel » est la dimension occultée du travail à la vigne. Lorsque le vigneron s’engage à ne plus mettre de pesticides et à réduire les doses de cuivre à la vigne, il recherche une qualité de raisin lui permettant de poursuivre la même démarche au chai. Nous avouons ne pas comprendre les rares vignerons qui s’échinent à travailler leur vignoble pour ensuite jouer aux apprentis chimistes au chai… Richard Leroy résume ceci par une jolie formule: « il y a quand même une vérité à la vigne »… censée se retrouver dans le verre.

Reprenons rapidement les principaux défauts reprochés aux vins de Richard Leroy.

1. Ils sont oxydés. Oui, ils le seront forcément pour le critique américain de Robert Parker qui a l’habitude de boire des vins ayant vu entre 50 et 150 milligrammes de SO2, le SO2 jouant le rôle d’antioxydant et antioxydasique. Nous avons déjà bu des vins chez Richard ouverts une semaine auparavant. La couleur était limpide et le vin n’avait aucun arôme de « mine de crayon ». Évidemment, si vous faites subir le même traitement à un vin naturel issu de raisin plus « approximatifs » vous aurez un vin marron aux arômes de graphite ou de cidre…

Un Noëls 2013 après une semaine d’ouverture: couleur limpide et aucun goût de « mine de crayon »…

 

2. L’acidité volatile est trop élevée. Là aussi, tout dépend de votre expérience gustative. Dans les vins « traditionnels » le taux est généralement inférieur à 0,4 grammes par litre de H2SO4, et la vente est interdite au-dessus de 0,9 g par litre… Dans les vins sans SO2 ajouté l’acidité volatile est en général plus élevée. Chez Richard Leroy le taux reste bas (moins de 0.7 grammes par litre). Une visite récente chez Michel Gahier dans le Jura nous a convaincu que l’acidité volatile élevée n’était pas si problématique à terme. Nous avons en effet goûté un Chardonnay 1989 qui avait au départ 2 grammes par litre d’acidité volatile. Le vin possédait une structure et une fraîcheur impressionnante sans l’impression désagréable de « colle scotch » liée à la volatile. Michel Gahier est formel: lorsque le vin a les épaules pour traverser plusieurs décennies il finit par digérer l’acidité volatile qui donne une fraîcheur au vin que vous n’auriez pas sans cette acidité. Si vous n’êtes pas convaincu(e) par ce raisonnement et que vous possédez des bouteilles de vin jaune du domaine Overnoy, vendez-les car le niveau d’acidité volatile risque de vous effrayer…

3. Nez et bouche de réduction. Nous avons constaté que beaucoup de passionnés se plaignaient de ce genre de défaut sur les vins de Richard: odeur d’écurie, de pétard mouillé, d’œuf… Personnellement nous n’avons jamais été confrontés à un vin du domaine ayant ce caractère après une aération adéquate. Pour nous il s’agit de l’éternel problème des dégustations « à la chaîne ». Si vous dégustez une dizaine de vins dans une soirée, vous aurez toutes les chances de passer à côté des vins du domaine Richard Leroy car ces vins nécessitent du temps. Il faut savoir les « accompagner » le long d’un repas ou d’une soirée. La dégustation « éclair » d’un tel vin mis au milieu d’autres ne donnera aucun « résultat » de dégustation… ni aucun plaisir. Par ailleurs, la réduction est un gage de vieillissement du vin. Si ces arômes finissent par partir au bout de plusieurs heures, soyez rassurés car c’est un gage de vieillissement… D’ailleurs Richard Leroy le dit bien à propos de ses vins: boire un Noëls de Montbenault avant 5 à 6 ans est un infanticide.

Au-delà des critiques (souvent contradictoires) l’impression que nous avons  est celle de vins libres, fascinants, complexes et très digestes. Nous pensons même qu’un vin sans aucun défaut est un vin mort. Il s’agit souvent de vins trafiqués pour obtenir les résultats les plus lisses possibles et finalement un vin sans relief ne suscitant aucune passion. Les vins naturels ont souvent les qualités de leurs défauts: l’acidité volatile est un exhausteur de goût et l’autolyse des levures apporte de la complexité et du gras au vin.

En buvant un vin de Richard Leroy nous ne pouvons pas nous empêcher de penser à Picasso qui disait que dans les arts premiers la somme des imperfections aboutissait à une œuvre géniale. Les vins de Richard ne sont pas parfaits? soit, mais ils sont géniaux!

Pour Richard tout est une question de travail à la vigne

 

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