Champagne Benoît Déhu: le Pinot Meunier sublimé

Chez Mi-Fugue Mi-Raisin toutes les occasions sont bonnes pour parler de Champagne, un de nos breuvages préférés. Nous profiterons donc de cette période de fêtes pour vous faire part de notre dernier coup de cœur pour les vins de Benoît Déhu, vigneron à Fossoy.

Quand un client recherche d’une belle bulle  « originale » nous lui proposons souvent un Champagne picard, histoire de provoquer une réaction d’amusement et d’incrédulité… Bien entendu les choses vont mieux quand nous lui expliquons que la Vallée de la Marne englobe une partie de l’Aisne (notamment autour de la ville de Château-Thierry) et que les sols argilo-calcaires et argilo-marneux confèrent au Pinot Meunier (le cépage-roi de la région)  du fruit, de l’élégance et de la complexité. Les champagnophiles qui fréquentent Mi-Fugue savent que nous avons deux domaines de l’Aisne: Françoise Bedel et Jérôme Bourgeois-Diaz…et maintenant, « last but not least« ,  le troisième larron, Benoît Déhu.

Certains amateurs connaissent sans doute la maison « Champagne Déhu Père et Fils » qui propose de jolis vins classiques. Benoît a eu la riche idée d’isoler une parcelle et de « pousser le délire » le plus loin possible: viticulture sans produits chimiques, labour à cheval, utilisation des cycles lunaires, vendanges uniquement le matin et en cinq fois pour obtenir la maturité maximale, utilisation d’un petit pressoir de 2000 kilos… Il fabrique même ses propres fûts avec des bois issus du domaine! Résultat: Benoît propose une gamme à part intitulée « La Rue des Noyers », une parcelle d’ 1.7 hectares de Pinot Meunier qui produit trois cuvées: un Champagne, un Coteau Champenois blanc et un Coteau Champenois rouge, pour un total de 3000 bouteilles. Voici ce que Benoît dit à propos de son travail:

« Le but est d’avoir un raisin de haute qualité pour que par la suite il n’y ait rien faire.
C’est la base de mon travail. Je suis le moins interventionniste possible… Chaque année je repart à zéro, sur une feuille blanche , je ne m’interdit rien, je reste ouvert, je n’ai pas de recettes, simplement l’inspiration de l’année et le désir d’interpréter au mieux ce que m’a donné la nature. »
Des paroles qui sonnent justes aux oreilles de passionnés de vin!

Chez Benoît Déhu « small is beautiful »… pour notre plus grand bonheur gustatif mais aussi  pour notre plus grand malheur car vous ne trouverez pas les bouteilles de ce micro-domaine à tous les coins de rue…

Commençons par le Champagne. Il s’agit d’un « blanc de Meunier » issu de la récolte 2011 et dosé à 1 gramme par litre. La magnifique bouteille laisse présager un très grand vin. Du coup on appréhende la dégustation et on se demande si le breuvage sera au même niveau que le contenant. Lorsque Benoît nous a fait goûter son Champagne pour la première fois, il nous a servi un fond de bouteille ouverte la veille. Dans ce cas le caviste se dit: »de deux choses l’une: soit le vigneron est inconscient et ne veut pas vendre son vin, soit il nous propose une « bombe » qui ne craint nullement l’air et qui au contraire vous emporte au paradis ». Inutile de vous dire que c’était le deuxième cas. Benoît, ex-agent de  la maison Bollinger, connaît son métier de vigneron et de commercial. Il sait que son Champagne possède une incroyable tenue à l’air et que le vin, même s’il perd une partie de ses bulles, s’épanouit sur plusieurs jours. Si nous vous disions que ce Champagne est littéralement sidérant, vous nous accuseriez de prêcher pour notre paroisse, ce qui n’est certes pas faux. Mais il n’empêche, nous n’avons jamais bu un 100% Pinot Meunier d’une telle finesse, élégance, complexité et longueur! A l’ouverture, le vin exhale des arômes d’amande et de vanille. Sa bulle d’une extrême finesse le rend léger et digeste. Avis aux détracteurs du Pinot Meunier: goûtez le vin de Benoît Déhu pour vous rendre compte de la finesse de ce cépage quand il est bien vinifié. A l’aération des arômes de miel, de pruneau  et de coing prennent le dessus. Comme dans tous les grands vins, cette sensation de plénitude est due à  deux éléments complémentaires et antagonistes qui sont à l’œuvre: la richesse et la rondeur du Pinot Meunier contrebalancée par la fraîcheur et la minéralité du terroir argileux. Ces deux éléments, un peu comme le Yin et le Yang, contribuent à en faire un grand vin de plaisir et d’émotion.

L’objectif de Benoît est d’élaborer les vins les plus purs tout en respectant l’environnement. Ainsi, le verre et les  bouchons proviennent de fournisseurs situés à moins de 60 kilomètres du domaine. Quant au dosage très faible d’un gramme par litre, nous lui avons posé la question de béotien: « pourquoi un gramme et pas zéro? ». Benoît a fait plusieurs tests pour arriver au dosage idéal et s’est rendu compte qu’une modification du dosage de 0.5 gramme changeait complètement la personnalité du vin. Il a donc retenu le dosage le plus approprié.

A notre avis ce Champagne n’est pas destiné à être « glouglouté » à l’apéro au coin d’un bar, mais accompagnera à merveille un repas, que ce soit un homard, une volaille, une poêlée de champignons ou un foie gras. Du grand art!!!

Pour ceux qui ne le savent pas, le Coteau Champenois blanc est tout simplement un blanc « tranquille » (ou sans bulles si vous préférez) qui n’a donc pas subi la fermentation supplémentaire lui permettant d’acquérir ses bulles… et de gagner quelques degrés d’alcool. L’élaboration d’un Coteau Champenois nécessite donc une bonne maturité de raisin et donc la conjonction d’un climat favorable et d’un travail impeccable à la vigne.

Ce vin est issu de la récolte 2011. Il possède de jolis reflets plus dorés qu’un Chardonnay (le Meunier est un raisin noir). Au nez il libère d’incroyables arômes de pêche et de violette. En bouche ce vin net, iodé et tendu rappelle par certains côtés un grand Puligny-Montrachet. Au niveau aromatique, le Meunier apporte des notes salines  propres au grand terroir argileux de la région. Tout comme le Champagne, il ne craint pas l’air et peut se boire sur plusieurs jours. Un superbe blanc, étonnant et envoûtant qui pourra accompagner poissons, volailles, ou un Livarot…

Benoît Déhu fait partie des jeunes vignerons à connaître, mais la taille de son exploitation et sa notoriété à l’étranger font que les vins sont déjà épuisés. Mi-Fugue a réussi à glaner quelques flacons de ce talentueux vigneron, et au prix d’une bouteille et demie de Ruinart, nous pouvons affirmer qu’il s’agit d’un des meilleurs rapports qualité-prix en Champagne…

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