Une journée chez Haridimos Hatzidakis à Santorin…

Séjourner à Santorin sans rendre visite à Haridimos Hatzidakis reviendrait à visiter Paris sans voir le Louvre. C’est possible… mais dommage, d’autant plus que le vigneron et ses vins valent largement le détour.

L’histoire de cette magnifique île est marquée par deux événements, pour le moins distants: l’irruption d’une rare violence d’un volcan qui a bouleversé la région en 1646 avant J.C. et un tremblement de terre en 1956 (…après J.C.!) qui a marqué les esprits. L’île a mis un certain temps à s’en remettre et a bénéficié d’une migration crétoise dont Hatzidakis fait partie. Ce vigneron s’est installé en 1996 et a patiemment développé son domaine. Aujourd’hui la superficie du vignoble atteint 14 hectares, complétée par de l’achat de raisins biologiques, avec un total de 120 000 bouteilles par an. Ce qui impressionne chez Hatzidakis, c’est le rapport qualité/quantité, avec des vins d’une pureté et d’une définition aromatique à couper le souffle. Bref, il est plus facile de faire du bon vin sur 20 ares que sur 14 hectares…

La dégustation des vins du domaine Hatzidakis s’est faites en deux fois. Le premier jour, Haridimos présentait ses vins sur un salon de vignerons santoriniens au restaurant Selene. Nous y sommes allés, histoire de goûter d’autres vignerons de l’île. Le constat est sans appel: le domaine Hatzidakis fait la course en tête, suivi par d’autres domaines intéressants tels que Vassaltis et Sigalas.

        

Le lendemain Haridimos nous invite sur son domaine, à Pyrgos, pour nous montrer son dernier chai construit sous la roche volcanique. Quand on aime on ne compte pas: il a commencé l’excavation en 2004 et l’a inauguré en 2016. Un travail titanesque pour creuser plus de 150 mètres de galeries sous la roche volcanique. Aujourd’hui il bénéficie de conditions idéales de vinification et de stockage, avec une température fraîche en plein été.

     

Les plus perspicaces l’auront deviné, la nature du sol est volcanique, produisant des vins d’une grande salinité. Les précipitations étant plutôt rares, les vignerons n’ont pas à lutter contre le mildiou (Hatzidakis raconte l’unique attaque de mildiou il y a plusieurs décennies qui a mis tous les agriculteurs de l’île en émoi…). En revanche, le vent souffle une bonne partie de l’année, obligeant les vignerons à cultiver leurs vignes en « couronne », en tressant les sarments au ras du sol. Les raisins poussent donc dans des « niches » à l’abri du vent et du soleil. Dernier détail qui a son importance: Santorin n’a jamais connu le phylloxéra.

Le vignoble du domaine est jonché de pierres ponce, des « pierres-éponges » qui libèrent l’eau pendant la période sèche, garantissant ainsi une hydratation de la vigne.

Tous les éléments sont donc réunis pour faire de très beaux blancs, avec le cépage-roi de la région, l’Assyrtiko, qui donne des vins d’une une incroyable pureté et  salinité. Cette salinité constitue la « colonne vertébrale » du vin et permet d’obtenir des vins d’une puissance et d’une ampleur dignes d’un Montrachet mais avec un équilibre souverain et ce côté « reviens-y ». Nous pensons en particulier au fleuron du domaine, un Assyrtiko de Louros 2015, un vin qui titre 15.7 degrés d’alcool, mais qui se boit comme de l’eau. Les rendements sont ridiculement bas sur cette cuvée, comme sur le reste du domaine. La longueur est (presque) infinie, avec une complexité digne des plus grands blancs de Bourgogne ou de Loire.

Nous nous emballons en vous parlant de la « Rolls » du domaine. Si nous commençons par le début, la cuvée Aidani 2016, du nom du cépage, est un pur bonheur à l’apéritif, avec des notes florales et une touche d’agrumes d’une belle fraîcheur. Une petite macération de 12 heures donne plus de matière au vin sans pour autant l’alourdir.

La cuvée Santorini 2016,  est l’Assyrtiko emblématique du domaine. Ce vin issu d’un pressurage direct, vous fera découvrir la richesse aromatique de ce cépage ainsi que sa grande buvabilité. Il s’agit d’un vin étonnamment versatile, pouvant se boire à l’apéritif, avec un poisson ou une viande blanche. L’Assyrtiko de Mylos 2016, est une cuvée parcellaire de vieilles vignes, plus puissant et complexe que le précédent. Sans atteindre la richesse de l’Assyrtiko de Louros, ce vin pourra accompagner des viandes blanches aux morilles. Le vin est dense, salin, complexe. Bref, une blanc envoûtant. Finalement, la cuvée Nykteri 2014 est un Assyrtiko récolté en surmaturité et vinifié en sec avec un élevage de 12 mois dans des barriques de plusieurs vins, produisant un vin ample et salin, proche de l’Assyrtiko de Louros.

Le tour du domaine ne serait pas complet si on omettait deux curiosités du domaine, un rouge à base de Mavrotragano et le fameux liquoreux Vinsanto. Hatzidakis a décidé de remettre à l’honneur un cépage peu répandu sur l’île (2% de la surface totale). Le Mavrotragano 2015 est un  rouge chaleureux et épicé, avec une belle fraîcheur qui le rend digeste. Quant au Vinsanto, il est composé d’Assyrtiko à 80% et de 20% d’Aidani. Les raisins sont récoltés en surmaturité et mis à sécher au soleil pendant une quinzaine de jours. L’élevage en barriques de 7 ans lui confère des notes intenses d’abricots secs et de raisins de Corinthe. On retrouve l’acidité de l’Assyrtiko qui évite toute lourdeur et donne au Vinsanto un côté limite dangereux…

Après cette belle dégustation, nous sommes allés déjeuner dans une taverne en compagnie d’Haridimos Hatzidakis et quelques amis grecs, un déjeuner copieusement arrosé de vins du domaine et qui n’a duré que 5 heures…

L’hospitalité grecque n’est pas un mythe…

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