Le Champ d’Orphée 2010. Voici une singulière bouteille…et une belle histoire. Nous avions rencontré le vigneron, Stéphane Lucas, en 2009, dans des conditions particulières. Lorsqu’un vigneron débarque un samedi après-midi à la cave, au pire moment d’affluence, pour faire goûter de surcroit un vin élaboré à partir de brocol (cépage réputé pour sa dureté et sa « rusticité ») les cavistes n’ont qu’un réflexe: éconduire poliment le malheureux. Mais ce jour-là l’amabilité et la courtoisie du personnage ont eu raison de notre impatience. A l’époque il faisait goûter le millésime 2008 du Champ d’Orphée, bouteille qui nous a subjugués.
Les vins de Stéphane Lucas ont tout pour éveiller la curiosité de l’amateur.
D’abord le cépage: le brocol (ou fer servadou) est un cépage qui fait fuir la plupart des amateurs. Rien de mieux en fin de soirée pour signifier à vos convives qu’il faut lever l’ancre… Mais nous cavistes savons qu’il n’y a pas de « petit » cépage. Nous nous rappelons – il y a quelques décennies de cela – la découverte du gamay que nous croyions tout juste bon à ingurgiter une fois par an lors du beaujo nouveau. Puis vint le tour du merlot: goûtez aujourd’hui une bouteille de Château Meylet de Michel Favard et vous comprendrez. Bref, le métier passionnant de dégustateur est une constante remise en cause de ses préjugés…
Ensuite le domaine. Situé à quelques kilomètres d’Albi, il est sans doute un des plus petits de France avec ses 0.77 hectares qui font passer le Domaine de la Romanée Conti pour un mastodonte. Stéphane préfère rester petit afin de conduire la vigne et la vinification selon ses propres exigences. Il ne s’est pas enquiquiné pour faire passer l’agrément à ses vins. Au lieu d’être en A.O.C Gaillac, il a donc préféré L’IGP (Indication Géographique Protégée) Côtes du Tarn.
Enfin (et surtout), le vin. Le travail méticuleux et acharné de Stéphane produit un vin d’une rare densité, avec une fraîcheur et une élégance qu’on rencontre rarement dans cette région. A l’ouverture, on est plutôt dans le registre des fruits rouges qui cèdent rapidement le pas à des notes mentholées de garrigue. L’acidité naturelle du vin lui donne un côté étonnamment digeste… et une envie d’y revenir!
Bref, un grand brocol est né. On a même envie de dire: le Champ d’Orphée, c’est infernal!