Ceux qui ont eu la chance de goûter un Vieux Savagnin Ouillé d’Overnoy ou la cuvée « Les Vignes de mon Père » de Fanfan Ganevat vous le diront (avec des trémolos dans la voix): nous atteignons des sommets de la pureté, de la concentration et de la complexité. Ces vins sont rares, pas forcément donnés (nous vous expliquerons pourquoi) mais valent largement le détour.
A priori l’ouillage des vins est une opération simple qui se fait partout dans le monde sur des vins blancs ou rouges élevés en barriques: il s’agit de remplacer le vin qui s’évapore chaque année (la fameuse « part des anges »).
Si vous laissez faire, Dame Nature prélève environ 5% de vin par an. Alors imaginez le vigneron qui élève ses vins pendant trois ans: non seulement il perd 15%, mais le vide laissé dans la barrique vous garantit une oxydation du vin et une piqûre ascétique (il tourne au vinaigre).
Dans le Jura les vignerons ont l’habitude de prolonger l’élevage de leurs vins. L’exemple le plus connu est le fameux Vin Jaune qui, lui, n’est pas ouillé et développe un « voile » de levure pour se protéger de l’air, et ce pendant un minimum de 6 ans et trois mois pour avoir le droit à l’appellation Vin Jaune… La perte sur cette période étant estimée à 38cl par litre mis en barrique, le Vin Jaune est mis en « clavelins » de 62 cl… De nombreux clients assimilent le Jura au Vin Jaune, mais celui-ci ne constitue que 3% de la production totale de la région.
Revenons à nos moutons. Pierre Overnoy est un des pionniers de l’ouillage des vins sur une très longue période. Il a voulu retrouver une pratique qui s’est perdue au fil des ans. Quand un vigneron ouille son vin, il est obligé de rajouter des vins de millésimes plus récents. On obtient donc une sorte de « Solera » (terme que les amateurs de Xérès connaissent), ou un mélange de plusieurs millésimes. A la rigueur, si l’on ouille un vin pendant 20 ans on ne devrait avoir que des vins des millésimes ultérieurs (20 x 5% = 100%). Mais, fait remarquable, le vin garde l’empreinte du millésime initial qui intègre et « digère » en quelque sorte les apports ultérieurs. On obtient donc un équilibre entre les caractéristiques du millésime et le côté épicé (curry, cumin, safran…) de l’ouillage. A ce niveau le contenant joue un rôle important. Plus il sera petit, plus le vin sera marqué par le côté épicé et « solera ».
Sur le 2003 Emmanuel Houillon a changé sa technique de vinification en adoptant des contenants plus importants. Il est passé de la barrique (environ 228 litres) au demi-muid (600 litres). Du coup le vin est plus tendu, plus pur et on retrouve la typicité du Savagnin avec la concentration et la complexité apportées par l’élevage.
S’il fallait encore prouver que le vin (naturel!) était une substance mystérieuse, ce « VSO » 2003 ferait merveilleusement l’affaire. Emmanuel s’est procuré deux demi-muids de la même provenance. Il a vinifié la même parcelle qu’il a ensuite entonné dans les deux demi-muids placés côte à côte. Les deux contenants ont été ouillés en même temps avec le même vin, puis mis en bouteilles en même temps. A la dégustation les vins sont radicalement différents!… Qui oserait prétendre que le vin n’a pas quelque chose d’humain?!
Alors, pour un prix situé entre 40 et 70 euros, un VSO est-il trop cher? La réponse est évidemment non. Faites le calcul sur la perte de vin et le temps d’immobilisation des barriques. Si vous n’êtes toujours pas convaincus, achetez un bon Meursault premier cru 2003 d’un récoltant réputé (que vous payerez le même prix…voire plus), procurez-vous un VSO 2003 du domaine Overnoy, comparez les deux flacons, et là, si vous n’êtes toujours pas convaincus, on ne peut plus grand-chose pour vous !…
Mi-Fugue Mi-Raisin recevra courant avril le troisième tirage du Vieux Savagnin Ouillé 2003 du domaine Overnoy-Houillon. Quant à la cuvée « Les Vignes de Mon Père » 2003 de Fanfan Ganevat, il faudra attendre la fin de l’année… Courage!