Nous tenions à écrire un billet sur une vente aux enchères qui s’est tenue il y a trois semaines à Genève, pour alerter les lecteurs qui ne seraient pas au courant que le monde du vin n’est pas un monde à deux vitesses… mais plutôt à cinq, voire six.
D’un côté vous avez deux vignerons japonais qui rament pour ne pas se faire expulser de France (cliquer ici pour lire notre billet)… et de l’autre une « belle » vente de mille soixante-quatre bouteilles de Bourgognes d’Henri Jayer, vigneron mythique de Vosne-Romanée décédé en 2006. Rapportant la bagatelle de trente millions d’euros, la vente a dépassé toutes les espérances du monde bachique (surtout celles des filles d’Henri). Trente millions d’euros pour mille bouteilles, ça fait quasiment trois mille euros le verre de vin. Ou si vous préférez les 1064 bouteilles vendues vous permettraient d’acheter cinq immeubles de cinq étages à Paris. Certains objets d’Henri Jayer ont aussi été vendus, notamment sa pipette, une bonde et une barrique (vide of course!), adjugés à plusieurs milliers d’euros l’objet, fétichisme oblige.
Il faut dire qu’Henri Jayer a remarquablement bien géré son domaine, non seulement au niveau de la conduite des vignes et de la vinification, mais aussi de son image. De son vivant il était un mythe et il a su l’entretenir. De nos jours, peu de bouteilles sont bues et on retrouve les mêmes lots qui circulent et qui finissent pour la plupart en Asie. D’ailleurs un richissime hongkongais a raflé 30 pour-cent des bouteilles vendues.
Tout ça pour dire que le vin peut aussi être synonyme de démesure, et cette démesure a commencé à atteindre les vins naturels que nous aimons et défendons, puisqu’une bouteille de vin jaune du domaine Overnoy-Houillon dépasse allègrement les 1500 euros. Quand on lit le commentaire des filles Jayer qui espèrent que les bouteilles vendues iront « rejoindre la cave d’amateurs qui sauront ouvrir et boire ces vins », à 28 000 euros en moyenne la bouteille, on y croit moyennement.