Le vin de tous les paradoxes: le Pinot Noir « Bildstoecklé » 2003 de Bruno Schueller

Mi-Fugue Mi-Raisin a décidé d’exhumer quelques bouteilles de Pinot Noir « Bildstoecklé » 2003 de Bruno Schueller. Nous avons volontairement laissé dormir quelques bouteilles dans une cave fraîche car à l’époque au domaine nous avions été subjugués par l’ampleur et la puissance de ce vin.

Les amateurs le savent, le vin est une boisson à la fois mystérieuse et capricieuse, ce qui fait son charme. Nous n’y reviendrions pas s’il nous offrait toujours les mêmes sensations. C’est qui nous fait dire que la dégustation est une véritable expérience esthétique: le vin que nous aimons, le vrai, le bon, le « pas trafiqué » présente forcément des « aspérités »; il nous raconte une histoire différente à chaque gorgée et nous pousse dans nos retranchements…

Foin de nos considérations générales et revenons à nos bouteilles. Pourquoi le Bildstoecklé 2003 de Bruno Schueller cultive-t-il le paradoxe?

Rappelez-vous l’année 2003, l’Année caniculaire par excellence. Les passionnés savent qu’un cépage délicat tel que le Pinot Noir ne supporte pas la chaleur. Ces mêmes passionnés ne donneraient pas cher d’un vin issu d’une région où les températures ont taquiné les 41 degrés (Colmar)… et encore moins si on leur disait que le vin était issu d’un terroir exposé plein sud.

Il est vrai qu’à l’époque le vin nous en avait mis plein le gosier avec ses 13.5 degrés d’alcool et sa couleur rubis (très!) profond. Mais nous sentions derrière cette masse tannique une belle fraîcheur nous titiller le palais. Était-ce suffisant pour garantir un avenir « buvable » au vin? Nous avions donc pris le « risque » d’en encaver et de l’attendre.

Inutile de vous dire que si nous prenons quelques minutes de votre temps précieux, ce n’est pas pour vous dire que le vin est cuit et qu’il n’y a rien à en tirer à part une bonne sauce. Ce Pinot présente toujours une robe profonde avec une très légère teinte brune qui marque une évolution du vin. La fraîcheur et la minéralité que l’on devinait à l’époque sont bel et bien présents. Le vin possède même une incroyable acidité naturelle qui fait oublier le degré alcoolique et la matière. A l’ouverture on a même ce côté « kirsché » d’un très beau Pinot Noir. Au bout d’une demi-heure des arômes de  pruneau s’installent sans pour autant dominer le fruit. Les amateurs savent qu’un côté pruneau trop prononcé est signe d’une oxydation souvent gênante. Ici, rien de tout cela et au bout de trois heures aucune note de « mine de crayon » (oxydation prononcée) n’est apparue. Bien au contraire, à l’air le vin gagne en complexité et en « buvabilité ».

L’explication est fort simple. Le terroir du Bildstoecklé, situé à Obermorschwir, est cultivé depuis le XIème siècle par les moines de l’abbaye de Marbach. Or vous le savez bien, les moines ne laissaient rien au hasard. Ce terroir, à quelques encâblures de Husseresn-les-Châteaux,  village de Bruno Schueller, est constitué d’une couche de calcaire en surface et d’une épaisse couche d’argile en sous-sol. Or l’argile est bien connu comme régulateur hydrique et « rend » l’eau comme une éponge en cas de sécheresse… à condition de travailler la vigne et de l’inciter à aller chercher cette eau en profondeur.

Bruno Schueller a su le faire et ses blancs comme ses rouges font partie des très belles réussites dans un millésime pour le moins compliqué. La matière tannique et l’acidité naturelle du vin  ont merveilleusement conservé ce vin… et pour un prix à peine supérieur à deux bouteilles de Mouton Cadet, il s’agit sans doute d’un des meilleurs rapports qualité-prix-plaisir de la cave.

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