Les amateurs vous le diront, toutes les régions se démènent pour faire du bon vin…sauf Bordeaux qui est à la traîne, la réputation mondiale des vins de la région incitant les « Grands Châteaux » à jouer la carte du classicisme. Ce tableau mérite quand même d’être nuancé. On peut en effet distinguer plusieurs catégories de domaines.
– Les petits vignobles qui ont compris qu’on pouvait faire des vins buvables à moins de dix euros. Ils sont de plus en plus nombreux à privilégier le fruit et l’expression du terroir. Nous vous en reparlerons bientôt…
– Les vignobles « prestigieux » qui ont eu l’idée saugrenue de transformer le vin en instrument financier. Prenez le Château Cheval Blanc à Saint-Emilion, par exemple, propriété des milliardaires Bernard Arnaud et Albert Frère.
Avec un chai supersonique – conçu par Portzamparc – qui a coûté la bagatelle de 16 millions d’euros, il n’y a aucun doute: vous êtes en présence du fleuron des vins « made in France ». Mais regardez le chai de plus près: il est tellement propre que vous pourriez manger par terre…sauf qu’avec une telle propreté vous n’aurez aucune levure indigène. Le vin sera donc « levuré », en plus d’autres bidouillages chimiques nécessaires pour l’élaboration d’un « grand vin ».
– En marge de ces deux catégories, il y a (fort heureusement!) une poignée de vignerons qui se battent pour donner une autre idée du Bordeaux, celle de vins reflétant un terroir. Ces vignerons s’appellent Michel Favard (Château Meylet à Saint-Emilion), Grégoire Hubeau (Canon Fronsac)… et Jean-Claude Desmarty du Clos Saint André à Pomerol.
Avec 60 ares, Le Clos Saint André est loin derrière les vignobles prestigieux… en superficie. Il est 65 fois plus petit que Cheval Blanc. Jean-Claude Desmarty produit environ 2500 bouteilles par an. Au prix de vente moyen d’une bouteille de Clos Saint André, nous avons calculé qu’il lui faudrait 430 ans pour financer le même chai « high tech » en y consacrant quand même 50% des revenus du domaine.
Nous ne pouvons donc pas comparer ce qui est incomparable. Le hic c’est qu’avec le travail acharné de Jean-Claude à la vigne et à la vinification, les vins sont vraiment incomparables. Comme tout vrai passionné qui se respecte, il est en perpétuel questionnement tout en ayant des convictions et le souci de la perfection. Il travaille le sol au cheval, ce qui lui permet d’obtenir un travail plus précis et tout en douceur. Pour Jean-Claude la douceur est le maître mot: pas question de « heurter » le raisin ou le vin. Pour cela, il met les moyens: à la vendange ils sont quatorze à opérer un tri sélectif. Le raisin est ramassé en petites cagettes et apporté au chai à dos d’homme! Le pressurage est très doux et privilégie la qualité plutôt que le volume. Jean-Claude est surtout à la recherche d’un équilibre, que ce soit à la vigne (équilibre sol – plante) ou à la vinification.
Le résultat dans le verre (c’est ce qui compte!) est à la hauteur: ses vins ont à la fois une densité et un soyeux incomparables! Nous sommes en présence de superbes vins procurant une grande émotion…
Les amateurs de vins « nature » commençaient à perdre espoir. Qu’ils se rassurent: grâce à des domaines comme Clos Saint André (ou Château Meylet), Bordeaux vous offre enfin des vins délirants à des prix corrects plutôt que des vins (tout juste) corrects à des prix délirants…
Données techniques: Sols: argiles fines Age des vignes : une soixantaine d’année en moyenne, avec des pieds de plus de 80 ans. Rendements: 30hl/hectare. Encépagement : Merlot à 80%, Cabernet franc et Cabernet sauvignon.