En ce moment le Beaujolais a le vent en poupe. La réputation de la région ne date pas d’hier. Les « vieux » buveurs de vins naturels s’en souviennent: il y a une trentaine d’années, pour boire nature, on buvait surtout des vins de Jules Chauvet, Marcel Lapierre, Foillard, Thévenet, Métras… A la différence d’autres régions, les jeunes vignerons (Alex Foillard, Pierre Cotton, Julie Balagny, Victor Blondin et Les Bertrand…) n’arrivent pas en éclaireurs mais héritent du savoir-faire des anciens.
Le « Beaujo » a entamé sa révolution avant d’autres régions car Jules Chauvet avait compris qu’une vinification particulière, la macération carbonique convenait particulièrement au Gamay et au terroir. Tout en exaltant le fruit, cette méthode permet de vinifier avec moins d’intrants. Ce constat a été confirmé par des « théoriciens » de la vinification naturelle, tels que Max Léglise (lire notamment son ouvrage « Méthodes biologiques appliquées à la vinification et à l’œnologie », éditions Courrier du Livre).
Il y a des détracteurs de la macération carbonique. Leur principal argument: la « carbo » exalte le fruit au dépens du terroir et de la complexité du vin. Là encore, cet argument n’est pas valable pour tous les cépage et tous les terroirs. Nous avons fait l’expérience à plusieurs reprises en servant un Fleurie « Ultime » d’Yvon Métras (à l’époque où on en trouvait facilement!) à des amateurs et à des vignerons « anti-carbo ». Non seulement ils partaient sur une vinification traditionnelle, mais sur une grande Côte Rôtie, joli compliment pour un « modeste » Fleurie!
Tout ce long détour pour dire que le Beaujolais a une vraie longueur d’avance sur d’autres régions en termes de vinification naturelle. Nous pensons même chez Mi-Fugue Mi-Raisin que les crus du Beaujolais attireront (malheureusement) l’attention des spéculateurs, après la Bourgogne et le Jura. Tous les ingrédients sont réunis: un superbe cépage, de très beaux terroirs et des vignerons talentueux.
Nous disions que la relève était déjà là et la famille Betrand en faisait partie. Le domaine de 7 hectares est basé à Fleurie et dès son premier millésime – 2012 – Guy, Annick et Yann ont montré qu’ils savaient faire du vin. Les Betrand sont jeunes mais avec une tête bien faite: ils avancent avec prudence. Sur les vins du domaine la vinification est entièrement naturelle sans ajout de sulfites, mais Les Betrand n’excluent pas la possibilité d’en mettre en cas de millésime problématique. Il en va de même sur leur micro-négoce démarré en parallèle en 2016, avec des doses infimes de SO2 (1 gramme par hectolitre, dose extrêmement faible), car même s’ils connaissent les vignes, ils ne maîtrisent pas le passé du vignoble et préfèrent être prudents.
Le domaine couvre plusieurs appellations: Fleurie, Morgon, Saint-Amour et Juliénas et possède plusieurs terroirs: granitique, schisteux et argilo-sableux. Les amateurs de bons canons sauront donc résoudre l’équation suivante: beaux terroirs + grand cépage + maîtrise = vins d’une pureté et d’une gourmandise rares.
Mi-Fugue Mi-Raisin propose les vins du domaine depuis 2015, mais nous connaissions et buvions les vins avant. Les vins sont d’une incroyable régularité d’un millésime à l’autre. Les 2015 possédaient une très belle fraîcheur malgré les fortes chaleurs du millésime, les 2016 étaient superbes (grand millésime dans le Beaujolais!), 2017- pourtant réputé inférieur à 2016- est d’une remarquable finesse et 2018 s’annonce magnifique. Nous avons craqué sur toute la gamme, du simple Beaujolais Pure Oh!Rigine (pas si simple que ça…) au Fleurie Chaos, un immense Gamay qu’on pourra placer sans problème à l’aveugle dans un dégustation de Bourgognes. Chaque vin a sa spécificité et reflète les différents terroirs du domaine avec cette même trame fine et une gourmandise telle, qu’on a du mal à ne pas terminer la bouteille.
Que serait le monde du vin sans un coup de Beaujo?!