Tous les passionnés, qu’ils soient cavistes, bistrots ou simplement œnophiles ont leur chouchou du moment. Il s’agit rarement d’un vin d’exception, même si certains peuvent se targuer de boire régulièrement une Romanée Conti. Le chouchou du moment est en général un vin simple et complexe à la fois. Simple, car il se boit facilement et avec plaisir et possède tout de même une complexité qui le met à l’abri de la lassitude qui guette pas mal de breuvages au bout de quelques gorgées. Le chouchou a même un goût de « reviens-y », et c’est le vin qu’on a envie d’acheter par caisse pour passer une période de l’année sans en manquer.
Notre chouchou du moment est un Gamay du Beaujolais, ce qui n’a rien d’étonnant quand on sait ce que ce cépage et cette région peuvent produire dans des beaux millésimes. Il s’agit du Régnié « Grain et Granit » 2016 de Charly Thévenet, jeune et sympathique vigneron à Villié-Morgon. Charly est le fils de Jean-Paul Thévenet, alias « Polpo », vigneron bien connu des amateurs puisqu’il fait partie de la génération des premiers « natures »: Foillard, Métras, Lapierre, Chamonard…
Mais on sait que le gène de vigneron talentueux ne se transmet pas nécessairement de père en fils. Charly a roulé sa bosse, y compris en Italie avant d’acquérir une parcelle à Régnié, à quelques encablures de Villié-Morgon. Son domaine d’environ trois hectares produit une seule cuvée. La plupart des cavistes qui aiment les vins du père (nous!) travaillent aussi avec le fils depuis plusieurs années. Mais chez Mi-Fugue Mi-Raisin nous n’avons jamais acquis les vins de Charly Thévenet juste pour compléter la commande du père, histoire d’acquérir une appellation supplémentaire en Beaujolais. Les vins possèdent depuis le début (2007) un caractère et un tempérament à part, et le granit confère le corps et la puissance typiques de cette roche. Jusqu’en 2012, les vins avaient besoin d’un peu de temps pour s’arrondir et au bout d’une paire d’années les vins étaient magnifiques. En attendant on pouvait boire les vins du père. Aujourd’hui l’affaire se complique car dès la mise en bouteilles on peut boire les vins du père et du fils. Charly a en effet changé de vinification et recherche davantage de finesse et de « buvabilité » dans la jeunesse grâce à une extraction moindre.
Que dire du 2016? Les amateurs le savent, 2016 est un superbe millésime en Beaujolais (comme dans pas mal d’autres régions), avec en plus des rendements plutôt « confortables ». Bref, le millésime rêvé pour un vigneron. Les vins possèdent ce touché de velours et un grain d’une finesse à se damner, car le Gamay (tout comme le Pinot Noir) s’accommode mal de millésimes trop chauds et tanniques.
A l’ouverture le vin s’exprime immédiatement sur des notes de cassis, avec une trame légèrement anisée. Une petite réduction présente au début s’estompe rapidement. Des notes florales de rose prennent le relai et le nez devient assez rapidement addictif. Pendant toute la dégustation nous n’avons décelé aucune « fatigue » du nez (ou de la bouche) laissant présager un vieillissement prématuré. Paradoxalement, le vin est d’une grande finesse avec un couleur rubis, mais on sent derrière cette apparente fragilité un potentiel de garde dû au terroir granitique qui lui confère d’incroyables notes minérales réglissées. Le vin possède donc cette double dimension de fruit et de minéralité qui le rend si fascinant et si buvable. Le terroir granitique gagne encore en présence à l’aération, toujours soutenu par les arômes de cerise proches d’un beau Pinot Noir.
Nous avouons n’avoir pas pu prolonger l’expérience de prise d’air du vin car la fin de bouteille arrive plus rapidement que prévu, à tel point qu’on se demande si elle fait vraiment 75 centilitres… Les stocks descendent aussi rapidement, et chez Mi-Fugue Mi-Raisin on craint ne pas pouvoir s’en garder pour le retour des beaux jours. Vivement le 2017!