Une visite (hors du temps) chez Michel Gahier

   

Les passionnés de vins du Jura sont de plus en plus nombreux, mais ceux qui connaissent les vins de Michel Gahier ne sont pas légion. Michel est un vigneron discret vivant à l’abri des salons, tournées parisiennes et autres manifestations publiques. Il est basé à Montigny-lès-Arsures, la capitale mondiale du Trousseau,  non loin de la capitale mondiale du Ploussard, Pupillin…

Une visite chez Michel Gahier est à l’image de ses vins: unique et inoubliable. Nous sommes passés le voir au moment du fameux salon « Le Nez dans le Vert » (auquel il ne participe pas…) et la visite nous a marqués au point de vouloir vous en parler plusieurs mois plus tard. Il y a globalement deux types de visites: celles qui vous confortent dans vos convictions et celles qui bousculent vos connaissances patiemment et laborieusement acquises. La visite chez Michel fait partie de la seconde catégorie. Nous conseillons d’ailleurs aux jeunes sommeliers en herbe de lui rendre visite en oubliant leurs certitudes  car une fois la porte franchie et la dégustation terminée on repart avec les idées bousculées. Pour un œnologue « orthodoxe » le vins de Michel Gahier confinent à l’hérésie. Le vigneron  nous a raconté ses débuts pour le moins difficiles  à l’époque où le restaurateur Jean-Paul Jeunet (deux macarons Michelin à Arbois)  l’encourageait alors qu’il était confronté à l’hostilité de ses confrères et de la plupart des consommateurs. Être vigneron « nature » dans les années 80 nécessitait une sacré dose de détermination et d’entêtement dans  un monde de vins boisés, chaptalisés et sulfités.

Aujourd’hui les amateurs sont sensibilisés à la dégustation de vins naturels. Et pourtant… Combien de dégustateurs pourront vous dire  qu’un vin jeune possédant un niveau d’acidité volatile important n’est pas forcément problématique. Pour illustrer ses propos Miche Gahier nous sert un Chardonnay « La Fauquette » 1992, un superbe vin doté d’une ampleur et d’une fraîcheur sidérantes. Le niveau d’acidité volatile de ce vin était à 2 grammes (les vins jugés « normaux » dépassant rarement 0.7 grammes…). Tant vous dire que le vin devait posséder un tranchant et une acidité peu communs. Selon le vigneron l’acidité volatile est « digérée » par le vin si celui-ci possède la matière pour le faire, cette acidité permettant au vin de défier le temps. A la dégustation ce vin possède un incroyable tension et une acidité donnant  l’impression qu’il est indestructible.  La cuvée « Fauquette » sous voile de 2011 confirme cette analyse: une incroyable fraîcheur et l’impression que le vin pourra tenir cent ans. Nous avons même eu la chance de goûter son « petit » Chardonnay, la cuvée « Les Folasses » en 1989: un vin d’une jeunesse inouïe!

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Sans aller jusqu’à dire que Michel Gahier est le M. Jourdain du vin naturel, son discours sur la viticulture est d’une simplicité biblique. Il ne fait pas du « bio » pour être dans le vent mais parce qu’il a toujours ressenti le besoin de respecter la nature… et l’homme. A titre d’exemple il utilise 500 grammes de cuivre par hectare et par an alors que la règlementation bio autorise 6 kg par hectare (sur une moyenne de 5 ans, pour tenir compte des pressions parasitaires…). En parlant de la relève dans toutes les régions et de la mode des vins « nature », il conseille aux jeunes vignerons qui reprennent des exploitations conduites en mode chimique de sulfiter légèrement leurs vins au début car la population levurienne des vignes ayant été éradiquée, le vin n’a pas l’étoffe pour se protéger en bouteille contre d’éventuels problèmes ou maladies.

Michel Gahier considère que ses rouges à base de Trousseau peuvent voyager aussi loin dans le temps. Bien avant la dégustation au domaine l’équipe de Mi-Fugue avait bu un Trousseau 2008 Les Grands vergers,  un vin d’une rare finesse dans un millésime réputé compliqué (car froid et humide). Les vins rouges du domaines sont généralement plus abordables dans leur jeunesse (même si la dégustation d’un blanc récent ne nous fait pas peur…). Que ce soit la petite cuvée de la vigne du Louis ou les « Grands Vergers », le Trousseau de Michel Gahier est fin, délicat, épicé et gourmand. Pour finir cette très belle dégustation, Michel nous a servi un verre de Trousseau « Les Grands Vergers » 2015 toujours en foudres. Le village mérite amplement la réputation de capitale mondiale du Trousseau et Michel Gahier est le plus noble ambassadeur du Trousseau dont on puisse rêver.

Michel possède très peu de vignes de Savagnin, qu’il utilise uniquement pour produire un vin jaune, et notamment un 2007 à base de Savagnin jaune et vert qui durera certainement plus longtemps que les contributions…

Les vins de cet incroyable domaine seront disponibles chez Mi-Fugue Mi-Raisin fin octobre.

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